Suite aux travaux de la Grande Conférence de santé de 2016, qui recommandait la mise en place de la certification périodique des professionnels de santé, une mission a été confiée au Pr Serge Uzan. L’objectif de celle-ci : doter notre pays d’un dispositif de validation régulière des connaissances et des compétences des médecins. À l’issue de cette réflexion et une fois le rapport remis aux autorités, il a été décidé d’étendre un tel dispositif à l’ensemble des professions de santé et d’inscrire celui-ci dans la loi de 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de soins. Cette nouvelle certification périodique entre en vigueur le 1e janvier 2023. Mais qui est finalement concerné ? Qu’en est-il de son mode de fonctionnement ? Quelles sont les nouvelles règles du jeu pour les blouses blanches ? Autant de questions qui ont été posées lors de la Matinale de la FNIM du 28 septembre 2022, organisée dans les locaux de l’Aéroclub de France, à Paris. Pour y répondre, un invité : le Pr Lionel Collet. Psychiatre, ORL, ancien président de l’Université Claude Bernard Lyon 1, il a également chapeauté le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur « Université de Lyon », ainsi que la Conférence des présidents d’Université. Directeur de cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso, de 2012 à 2013, il a aussi été le conseiller spécial de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, de 2017 à 2018. Conseiller d’État depuis 2013, il préside, depuis décembre 2021, le Conseil national de la certification périodique, mis en place par le gouvernement. Sa mission consiste à définir la stratégie, le déploiement et la promotion de la certification périodique pour toutes les professions de santé dotées d’un ordre.
Obliger les professionnels de santé à se former tout au long de la pratique de leur exercice, ce n’est pas nouveau. De nombreux États membres de l’Union européenne ont déjà mis en place un tel dispositif, en particulier pour les médecins : c’est le cas en Allemagne, en Autriche, à Chypre, en Pologne ou encore en France. Cette formation continue s’inscrit, pour certains États membres – dont la Croatie, l’Espagne, l’Estonie, les Pays-Bas, la Roumanie… -, dans le cas d’un dispositif de re-certification obligatoire ou d’accréditation pour les médecins, avec un contrôle assuré par les ordres professionnels, les associations de praticiens ou de spécialité. C’est ce vers quoi la France se dirige à partir du 1er janvier 2023. Et pour cause : pour accompagner la mise en œuvre opérationnelle de la certification périodique des professionnels de santé à ordre, incluse dans la loi de 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de soins, une mission a été confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Menée dans une démarche participative avec l’ensemble des acteurs concernés, celle-ci a montré et démontré l’intérêt de la certification périodique. Et ce tant pour la sécurité des soins que pour une plus grande efficacité du système de santé, de surcroît dans un contexte d’évolution permanente des connaissances et des techniques. Si bien que sur cette base des recommandations de l’IGAS, plusieurs mesures d’application ont été publiées dans une ordonnance du 19 juillet 2021, relative à la certification périodique de certains professionnels de santé. Ces dispositions permettent, « à échéances régulières au cours de la vie professionnelle », de garantir « le maintien des compétences, la qualité des pratiques professionnelles, l’actualisation et le niveau des connaissances ». Un cadre législatif qu’a souhaité rappeler, d’emblée, le Pr Lionel Collet, invité par la FNIM pour sa Matinale du 28 septembre dernier. Nommé depuis l’hiver dernier à la tête du Conseil national de la certification périodique (CNCP), le Pr Collet a ensuite expliqué et détaillé les principes et objectifs de cette nouvelle façon d’évaluer les professionnels de santé dans le cadre de leur pratique quotidienne.
Liberté de choix
Dans un premier temps, pas moins de sept ordres professionnels sont concernés par la certification périodique. À savoir les médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, infirmiers, sages-femmes, masseurs kinésithérapeutes et les pédicures-podologues. Ils auront tous accès à un programme individuel de formation. L’idée étant que « les actions menées permettent à la fois d’actualiser compétences et connaissances, contribuer au renforcement de la qualité des pratiques et améliorer la relation avec les patients », explique le Pr Collet. Autre volet de ce programme : la mise en œuvre d’actions par ces professionnels de santé « pour un meilleur suivi de leur santé personnelle ». En pratique, chaque professionnel de santé va pouvoir construire son parcours de certification. Il est libre quant au choix des actions à mener et autres formations à réaliser. Toutefois, pas question d’improviser. Il doit se reporter aux référentiels de certification, élaborés par les conseils nationaux professionnels (CNP), sur la base d’une méthode prise par arrêté du ministre chargé de la Santé et proposée par la Haute Autorité de santé (HAS), auteur d’un guide intitulé Proposition de méthode d’élaboration des référentiels de certification périodique des professions de santé à ordre. Autrement dit : il est peu probable que l’unique participation à un congrès scientifique suffise à valider une action. « Sauf, peut-être s’il y a intervention de la part du professionnel de santé durant ce congrès », nuance le Pr Collet. Même scénario avec l’abonnement à une revue scientifique. Certes, c’est un début de démarche, mais celui-ci reste insuffisant. Sauf, peut-être encore, si le professionnel de santé publie au sein de cette revue. Quant à l’inclusion d’un patient dans une étude clinique, là aussi, cela reste une amorce d’action et l’essai ne pourrait être transformé que si, par exemple, le professionnel de santé assure un accompagnement et un suivi de ce patient. Les actions de formation auxquelles devront satisfaire les professionnels (développement professionnel continu, formation continue…), ainsi que certaines démarches qualité ou d’accréditation, spécifiques aux spécialités à risque, pourront également être prises en compte dans la démarche de certification. Des débats sont actuellement en cours sur ces différents points. Et c’est un décret à venir, qui précisera le programme minimal d’actions à satisfaire pour être « certifié ».
Un contrôle tous les 6 ou 9 ans
Sur le terrain, qui va jouer au gendarme ? Qui va assurer le contrôle du respect de l’obligation de la certification périodique ? Le Pr Collet affirme d’ores et déjà que ce contrôle sera confié aux ordres et conseils nationaux. Il aura lieu tous les 6 ans, mais la première période sera de 9 ans pour les professionnels actifs au 1er janvier 2023. « On donne davantage de temps à des fins de carrière, afin de ne pas chambouler leur façon de travailler et de se former », commente le Pr Collet. Selon le conseiller d’État, l’ordonnance du 19 juillet 2021 prévoit, en outre, la désignation d’une autorité administrative pour la gestion des comptes individuels de certification des professionnels de santé. Celle-ci devra notamment développer un système d’information « certification », élément clé tant pour la conduite de la démarche que pour le suivi des parcours individuels de certification par les professionnels eux-mêmes. Pendant ce temps, quid du rôle du CNCP ? Ce nouveau « conseil national », instance collégiale de 27 membres[1], doit permettre d’engager des travaux entre ses membres et les sept ordres professionnels. Sa première mission : fixer les orientations scientifiques nécessaires à l’élaboration des référentiels de certification. Ainsi, chaque CNP représenté au sein de ces instances professionnelles pourra disposer d’un cadrage, afin de produire son référentiel de certification et le programme de formation correspondant.
Une indépendance totale
Jusqu’ici, tout a été pensé pour éviter « l’usine à gaz ». Quant au calendrier, il se précise et s’accélère désormais. Le Pr Collet parle de « 5 décrets en Conseil d’État, 4 décrets simples et 3 arrêtés » prévus par l’ordonnance. Créée le 30 août dernier, l’Agence numérique en santé a été désignée pour gérer les comptes individuels. Quant aux modalités de financement du dispositif, « elles sont actuellement à l’étude par l’IGAS, qui doit rendre public un rapport en octobre, afin de préciser les conditions nécessaires à la pérennisation de cette nouvelle méthode de certification », souligne le président du CNCP. Parmi les questions posées par les participants à la Matinale de la FNIM, l’une d’entre elles a concerné la qualité des formations proposées. Réponse du Pr Collet : « La qualité des centres de formation, comme celle des formateurs d’ailleurs, relève des orientations scientifiques qui seront prises. » À cela s’ajoute une indépendance totale d’un point de vue éthique : « Tout lien d’intérêt est exclu entre acteurs de formation et acteurs de certification », a indiqué le Pr Collet. Il a ajouté : « Comme il revient aux ordres de valider ce qui peut être inscrit en entête d’une feuille de soins ou sur une plaque professionnelle, ce ne serait pas choquant d’y indiquer une certification, comme on le ferait avec un diplôme universitaire. » Enfin, qu’en est-il de la formation en ligne ? Pourrait-elle faire l’objet d’une certification ? Pas encore de réponse du côté du CNCP. Place à la réflexion sur ce point. En particulier à l’heure du développement de la visioconférence et du succès de la téléconsultation.
[1] 1 président, 7 représentants des ordres, 7 représentants des commissions professionnelles, 2 représentants d’associations de patients, 2 membres des formations, 2 personnalités qualifiées, 2 représentants des syndicats, 2 représentants de l’UNPS et 2 représentants des fédérations des établissements de santé.