Instagram, LinkedIn ou X (ex-Twitter) ? Sur quels réseaux sociaux surfent les acteurs de l’industrie pharmaceutique ? Depuis 2021, le baromètre #BeyondTheScore, co-publié par Buzz E-santé et LauMa communication, répond à cette question, grâce à une analyse fine et précise de l’activité des 30 principaux laboratoires pharmaceutiques installés en France ainsi que 10 autres entreprises en raison, notamment, de leur impact médiatique. Rémy Teston, à la tête de Buzz E-santé, Laurent Mignon, co-fondateur et co-directeur de l’agence LauMa communication, et Gisèle Calvache, responsable communication externe de Novo Nordisk France, ont présenté et commenté les résultats 2024 de #BeyondTheScore, lors de la Matinale de la FNIM du 19 février 2025. Une rencontre organisée dans les locaux du NewCap Event Center, à Paris, également relayée en distanciel, et animée par Emmanuelle Klein, co-fondatrice et co-directrice de l’agence LauMa communication. Principal enseignement de cette matinée d’échanges et de réflexion : le désengagement massif de l’industrie pharmaceutique vis-à-vis du réseau social X, au profit de LinkedIn.
La donne a changé. Après l’acquisition de Twitter par l’entrepreneur milliardaire Elon Musk, en octobre 2022, de nombreuses institutions, collectivités, entreprises, médias et autres personnalités ont choisi de quitter X (ex-Twitter). L’industrie pharmaceutique semble suivre le mouvement, selon le dernier baromètre 2024 #BeyondTheScore, qui décortique l’activité sur les réseaux sociaux des 30 principaux laboratoires pharmaceutiques présents en France (classement du magazine Pharmaceutiques, selon le CA de chaque entreprise). « Nous observons un désengagement global de tous les acteurs de santé vis-à-vis de X », souligne Rémy Teston, à la tête de Buzz E-santé qui co-publie #BeyondTheScore, chaque trimestre. Dans le détail : fin 2023, sur les 30 premiers laboratoires présents en France, 24 disposaient d’un compte X. Mais, depuis septembre 2024, les comptes @AstraZenecaFR, @Chieisifrance et @LundbeckFR ont fermé. Parallèlement, durant le dernier trimestre 2024, 5 comptes n’ont plus twitté, 11 comptes étaient même totalement inactifs en décembre 2024, soit plus d’1 sur 2, pointe le baromètre. Un désengagement qui se manifeste aussi en termes de volume de tweets publiés. Le baromètre #BeyondTheScore fait ainsi état d’un nombre total de tweets divisé par deux, entre 2023 et 2024, avec seulement 2 088 tweets publiés l’an passé. « La moyenne actuelle, par laboratoire encore actif sur X, est faible, avec un tweet par mois contre 3 à 4 par semaine à l’orée des années 2020 », constate Rémy Teston. Dans cette même veine, les 21 comptes X ont perdu des abonnés. Une chute moyenne de quelque 189 abonnés par compte. Seul @NovoNordiskFR tire son épingle du jeu, avec une augmentation de 62 « followers » en 2024. Le recul n’est apparu qu’à partir de novembre et décembre 2024, avec respectivement le départ de 22 et de 39 abonnés. Quant aux raisons de la colère, peu les développent. Si l’AP-HP, par exemple, a annoncé publiquement les causes de son départ de X – à savoir « les conditions de régulation et de modération (de X) ne permettent plus (…) de garantir un cadre de communication compatible avec la lutte contre la désinformation, le respect d’un débat apaisé et la protection des valeurs qui fondent la mission médicale et scientifique de notre établissement » -, « aucune entreprise de santé ayant fermé son compte ou ne publiant plus sur ce réseau n’a indiqué pourquoi », observe Laurent Mignon de LauMa communication. Il s’interroge : « Est-ce une question éthique, tactique ou budgétaire... ? » Rien n’est encore précisé à ce jour.
Instagram : en pleine croissance
A l’inverse, Instagram suscite de plus en plus l’intérêt de l’industrie pharmaceutique. On retrouve sa présence aussi bien sur des comptes corporates que sur des comptes liés à des pathologies. Ainsi Amgen France, sur Instagram depuis janvier 2023, affiche une très forte augmentation (+ 228%) d’abonnés en 2024. Une progression fulgurante qui hisse ce laboratoire sur la 3e place du podium en nombre d’abonnés, derrière Sanofi (+21%) et Biogaran (+2,5%). Autre performance : celle de Lilly, avec un nombre de « followers » qui croit de 139% en 2024. Signe particulier de ces comptes : leur ligne éditoriale cible des campagnes de prévention et de sensibilisation autour de pathologies, des témoignages de patients et de soignants, des engagements RSE, des métiers incarnés... À cela s’ajoute une diversité de formats (stories, réels, publications…), rythmée par des infographies, vidéos et autres animations. Le baromètre #BeyondTheScore précise encore que ces laboratoires ont publié en moyenne 8,3 posts par mois en 2024, contre 7,13 en 2023. Soit une hausse de 20%. Avec Biogaran en tête de file, « boosté » par une progression du nombre de ses contenus sur Instagram de 223%. Par ailleurs, concernant les comptes dédiés à des aires thérapeutiques, 2024 a été marquée par l’arrivée de deux nouveaux comptes portés par Pfizer. À savoir @pactonco_pfizer et @lavieautour. D’autre part, comme en 2023, @lachainerose et @voixdespatients, tous deux initiés par Roche, font la course en tête en nombre d’abonnés et ce malgré une croissance de plus de 210% pour @lasanteaufeminin du laboratoire Organon. Quant à @lachainerose et @voixdespatients, ces comptes trustent également le podium des meilleurs posts de l’année 2024, avec deux posts recueillant 1 182 et 956 réactions pour le premier compte et 938 réactions pour le second. De son côté, depuis 2023, Gisèle Calvache, responsable communication externe de Novo Nordisk France, mise plutôt sur YouTube « pour relayer notamment des témoignages de patients qui vivent avec une maladie chronique ». Et ça marche ! Le public est au rendez-vous. La vidéo restant un format très attractif sur les réseaux sociaux : certains spécialistes parlent d’un taux d’engagement de l’audience 10 fois plus important.
LinkedIn : la valeur sûre
Si Novo Nordisk France a réduit la voilure sur X et réfléchit encore à investir Instagram, c’est au profit de 2 à 3 posts hebdomadaires sur Linkedin. Car le « B to B » a la cote. « Après trois premiers trimestres dynamiques, les résultats du 4e trimestre 2024 permettent d’affirmer que LinkedIn est devenu le réseau social de référence pour les laboratoires pharmaceutiques en France », soulignent Emmanuelle Klein et Laurent Mignon. D’ailleurs, parmi les 30 principaux laboratoires pharmaceutiques présents en France, 20 disposent d’une page LinkedIn. Et ce, qu’il s’agisse d’une page entreprise ou d’une page vitrine. Autre constat : les pages LinkedIn des laboratoires ont connu une augmentation moyenne de 5,63% de leur nombre d’abonnés durant le 4e trimestre 2024, pour atteindre près de 22 000 « followers » en moyenne par compte et 83 réactions en moyenne par post. « Depuis deux ans, nous observons un basculement des stratégies sociales des laboratoires. Ils se focalisent davantage sur LinkedIn en diversifiant les contenus, au-delà de la communication RH / marque employeur propre à cette plateforme. Les laboratoires n’hésitent plus à partager des communications à destination des professionnels de santé (congrès, programme de RP...) ou des communications environnement sur les pathologies et la prise en charge du patient », détaille Rémy Teston. L’objectif : diffuser une information de qualité pour élargir et fidéliser une communauté. Sachant que, selon Laurent Mignon, un bon post pour l’algorithme de LinkedIn, « c’est celui qui suscite des likes, commentaires et republications, dans les 45 minutes qui suivent sa mise en ligne ».
La parole aux patrons !
Leur voix porte aussi. En effet, lorsque les CEO, présidents ou general managers des laboratoires pharmaceutiques postent sur LinkedIn, les communautés agissent, réagissent, commentent, prennent et reprennent les informations diffusées. Une autre façon de communiquer et surtout d’incarner un message. Si bien que #BeyondTheScore, intègre dans son périmètre le suivi des principaux patrons de laboratoires pharmaceutiques présents en France, auxquels s’ajoute une dizaine de dirigeants dont l’entreprise a un écho dans les médias et au sein de l’écosystème pharmaceutique. Le résultat : durant le dernier trimestre 2024, les dirigeants des laboratoires ont vu leur nombre d’abonnés sur LinkedIn augmenter en moyenne de 5,58%. Par ailleurs, si les 32 GM actifs durant le dernier trimestre 2024 ont publié de 2 à 3 posts par mois, Delphine Aguilera Caron – pour Johnson & Johnson Innovative Medicine France - et Christophe Maupas – pour Viatris Santé - approchent la moyenne mensuelle de publication de posts des pages des laboratoires (soit 8,68 posts / mois) avec respectivement 7,67 et 6,33 publications. « Longtemps les dirigeants de cette industrie restaient dans l’ombre. Aujourd’hui, avec LinkedIn, ils s’imposent comme les premiers ambassadeurs de l’entreprise. Ils prennent la parole, relaient l’actualité du laboratoire et surtout s’engagent sur des sujets économiques, d’autres liés à la RSE ou encore pour mettre en avant leurs collaborateurs », commente Rémy Teston. Un parti pris récompensé : les posts des dirigeants de l’industrie pharmaceutique suscitent, en moyenne, 123 réactions par post. Des scores qui peuvent s’envoler lors de l’annonce d’une nomination. À l’instar de celle de Guillaume Recorbet à la tête de Biogaran. Lorsqu’il l’a fait savoir sur LinkedIn, il a recueilli plus de 1 000 « likes » et commentaires, alors qu’il s’agissait d’une republication d’un post de la page Biogaran qui avait suscité quelque 600 réactions. Pour Laurent Mignon, « LinkedIn est devenu un territoire privilégié pour les dirigeants des entreprises pharmaceutiques. Qu’il s’agisse de défendre leur vision de la R&D, de l’accès à l’innovation ou des partenariats public-privé, plus rien n’est tabou. De plus, certains, comme Etienne Tichit, de Novo Nordisk France, ou Christophe Maupas, de Viatris Santé, ont développé un ton, un regard, telle une signature pour une identification immédiate ».
Bluesky : opération séduction
En marge d’Instagram ou de LinkedIn et surtout face au désengagement de plus en plus prononcé vis-à-vis de la plateforme X, les entreprises de l’industrie pharmaceutique lorgnent, depuis peu, du côté de Bluesky. Signe particulier de ce réseau fondé en 2019 et alors financé par Twitter : il dispose de son propre protocole pour fonctionner et ne diffuse aucune publicité. En tout cas, pour le moment. De quoi séduire les anti-« fake news ». À commencer par les acteurs du secteur de la santé, en quête d’informations sourcées, validées, créditées. « En tant qu’entreprises de science et d’innovation, nous évitons d’aller sur des plateformes qui ne sont pas safe, c’est-à-dire qui véhiculent plus de fake news qu’autre chose et exposent à des commentaires dénigrants », confirme Gisèle Calvache. D’où la curiosité suscitée de la responsable communication externe de Novo Nordisk France pour le réseau Bluesky. Et elle n’est pas la seule. D’autres acteurs du secteur de la santé ont même déjà franchi le pas et créé leur compte sur la plateforme « sans pub ». C’est le cas de l’Institut Pasteur, de l’AP-HP, de l’Institut Curie, de certaines Agences régionales de santé (ARS) ou encore d’une soixantaine établissements de soins à travers la France… « Tous les journalistes qui couvrent l’actualité santé y sont aussi », complète Laurent Mignon. Pour l’heure aucun laboratoire pharmaceutique n’a encore ouvert de compte officiel sur Bluesky. Mais cela ne devrait plus tarder, selon Rémy Teston. Et ce d’autant qu’une bonne stratégie de communication passe par une présence sur plusieurs réseaux, avec pour chacun d’eux, des messages adaptés, calibrés, illustrés, bref sur mesure.