Droits d’auteur et nouveaux médias : que dit la loi ?
Le 26 octobre, la Fnim s’est penchée sur les droits d’auteur. Que recouvrent-ils ? Comment les gère-t-on ? De quelle façon peut-on les céder ? Sont-ils malmenés, voire mis en danger à l’heure du numérique ? Autant de questions auxquelles ont répondu les juristes Gilles Colrat et Sylvain Staub, tous deux invités du petit-déjeuner débat mensuel de la Fnim, à l’Aéro-Club de France, à Paris.
Casse-tête ? Jeu de patience ? Nid à problèmes ? Pour certains, la gestion des droits d’auteur, c’est un peu tout cela à la fois. Surtout à l’heure des nouvelles technologies et autres nouveaux médias. « L’arrivée du numérique et de ses multiples utilisations obligent à être encore plus vigilants vis-à-vis des droits d’auteur et de leur cession », constate Gilles Colrat. Responsable juridique du groupe Elsevier Masson ; il reconnaît que l’on peut vite perdre son latin dès que l’on s’approche du maquis administratif et juridique qui entoure les droits d’auteur. Ajoutons à cela un jargon de spécialistes et autres subtilités sémantiques pas toujours faciles à décoder sans l’aide d’un expert. Droits moraux, patrimoniaux, droit de reproduction, de représentation ou encore d’adaptation… pas question de tout confondre.
Seule la création d’un auteur peut être protégée
« Il existe un code de la propriété intellectuelle, ainsi qu’une réglementation internationale et une jurisprudence très riche », souligne Gilles Colrat. Des textes qui servent donc de cadre aux droits d’auteur. Un auteur autour duquel on observe « une absence totale de formalité » : « seule sa création, mise en forme sur un support, peut être protégée », rappelle le juriste. Ecrits et illustrations sont concernées, « sous réserve que ce soient des originaux ». Par ailleurs, si les droits moraux sont incessibles et perpétuels, les droits patrimoniaux en revanche sont cessibles et limités dans le temps, à raison de soixante-dix ans après le décès de l’auteur. Jusqu’ici, tout le monde suit. Mais la situation se complique dès que l’on met en relation droits d’auteur et monde digital. Avec le Net, rien ne va plus. Ou plutôt, la gestion des droits d’auteur devient un peu plus aléatoire. Et pour cause : le droit de retrait, par exemple, est « impossible sur la toile », explique Sylvain Staub. Le directeur du cabinet Staub & Associés, également chargé d’enseignement en Droit de l’informatique à l’université Paris V, reconnaît que le droit moral est « amoindri » dès que l’on raisonne à partir des nouveaux médias. Pour étayer son argumentation, il prend volontiers en exemple les informations mises en ligne et que l’on souhaite retirer par la suite : « plus on cherche à faire disparaître une information sur le Net, plus elle est relayée ». Autrement dit : le mal est fait. Il est trop tard pour y remédier.
Une multitude de cas particuliers
Avant de publier sur le Net, mieux vaut donc penser aux conséquences et peser tous les risques. Quant à protéger ses écrits ou autres illustrations sur la toile, la signature ou la mention d’un copyright, norme internationale reconnue, demeurent des outils efficaces. Même sur le Net. Reste qu’une multitude de cas particuliers se présentent dès lors que l’on publie en version numérique. Les juristes en sont bien conscients et admettent la difficulté de la problématique, dès lors qu’il s’agit de protéger les écrits d’un auteur. « Aujourd’hui, la cession de droits à partir d’un livre fait généralement l’objet d’avenants pour autoriser la publication sur supports présents et à venir », souligne Gilles Colrat. Autre exception : « lorsqu’une agence de publicité n’a pas expressément exclu certaines utilisations de rédactionnels commandés à un auteur, c’est qu’elle a tout cédé », détaille Sylvain Staub. Une agence a donc tout intérêt à définir en amont le contenu de toute cession de droits d’auteur. Quant à la protection d’une base de données, cas à part dans le domaine de la propriété intellectuelle, on peut la faire protéger en tant que telle. « Le droit français protège le fait d’avoir sélectionné, exploité et rassemblé des données au sein d’une même base », explique le patron du cabinet Staub & Associés. C’est un moyen d’éviter tout pillage.
Les mille et une façons de rémunérer un auteur
Enfin, autre source de débats : les mille et une façons de rémunérer un auteur. En salaire, sur la base d’un forfait ou en droits d’auteur ? Une fois de plus, les avis divergent selon les situations. Si bien qu’au sein d’une même publication, il n’est pas rare de voir les auteurs de rédactionnels équivalents, rémunérés de façons différentes. « Chaque profil est un cas particulier », convient Sylvain Staub. Avis partagé par Gilles Colrat qui précise au passage que l’Urssaf veille et surveille toute entorse à la règle. Parce que l’on ne rémunère pas de la même façon un journaliste et le chef d’un service hospitalier, un auto-entrepreneur et un pigiste régulier, un rédacteur et un photographe… Une fois encore, il y a de quoi se perdre dans ces méandres juridico-administratives. A quand un mode d’emploi pour trouver une réponse à chacune de ses interrogations ? Evelyne Moreau vient de remédier à cette carence. Chargée des activités administratives, juridiques et budgétaires du Centre d’appui aux pratiques d’enseignement de l’Ecole des Mines de Nantes, elle a publié en septembre dernier le livre Les droits d’auteur (éditions Presses des Mines). Un ouvrage fort bien fait qui rappelle entre autres que les nouvelles pratiques induites par l’utilisation d’Internet imposent de nouvelles parades contre le piratage et la contrefaçon. Certes, la législation a récemment été renforcée par les lois Dadvsi en 2006 et Hadopi II en 2009. Il n’en demeure pas moins que « les droits d’auteur sont souvent transgressés », observe l’auteur. « La plupart du temps par ignorance de la part de l’utilisateur ».
Anne Eveillard