Industrie pharmaceutique : quelle image en ont les hospitalo-universitaires ?
Le 28 septembre, la Fnim a révélé les résultats d’une étude menée par l’agence Prod’Arev sur la perception qu’ont les hospitalo-universitaires de l’industrie pharmaceutique. Une enquête réalisée trois mois après l’affaire Mediator et commentée par Gérard Hovakimian, directeur général de Prod’Arev, et Antoine Legrand, spécialiste en communication santé, tous deux invités du petit-déjeuner débat mensuel de la Fnim, à l’Aéro-Club de France, à Paris.
Alors que le scandale du Mediator fait toujours couler beaucoup d’encre et en plein débat autour de la réforme de la filière du médicament, dite « loi Bertrand », la Fnim s’est penchée sur l’image qu’ont les hospitalo-universitaires de l’industrie pharmaceutique. La voient-ils avec méfiance ? Avec défiance ? Ou, au contraire, lui font-ils confiance ? Qu’en attendent-ils ? Pensent-ils que les récents scandales, dont celui du Mediator, bousculent l’organisation de notre système de santé ? Autant de questions que l’agence de communication santé Prod’Arev a posé à un panel de grands patrons hospitaliers, en février dernier. Soit trois mois après la révélation de l’affaire Mediator.
Un manque d’objectivité dans la presse grand public
Premier enseignement : « 33% des 200 leaders d’opinion sollicités ont répondu au questionnaire », souligne Antoine Legrand, spécialiste en communication santé. Preuve que le sujet intéresse les hospitalo-universitaires. Preuve aussi qu’ils ont envie de s’exprimer et prendre position. Ainsi 53% d’entre eux perçoivent les laboratoires comme des « partenaires dans la recherche et le développement », quand 13% seulement leur associent une image de « financier ». Pas dupes, 84% des grands patrons estiment que l’information publiée par la presse grand public, quant à l’industrie pharmaceutique, n’est pas objective. Dans le détail : 56% pensent que cette information est erronée, voire non vérifiée, et 36% qu’elle est délibérément hostile aux laboratoires. Conséquence : 86% des médecins interrogés sont convaincus que l’affaire Mediator a eu des répercussions sur l’image globale de notre système de santé. Ce qui en dit long sur la puissance des médias vis-à-vis de l’opinion. D’ailleurs un patient sur deux pose « de plus en plus de questions » sur le système de soins français et un sur quatre se dit « méfiant ». Les patients auraient-ils l’impression qu’on leur cache une certaine vérité ? Si c’est le cas, 75% des hospitalo-universitaires n’ont toutefois pas constaté d’évolution notoire dans la relation qu’ils entretiennent avec leurs patients.
La visite médicale montrée du doigt
En dépit d’une presse grand public défavorable aux laboratoires, 90% des médecins interrogés ne remettent pas en cause toute collaboration avec l’industrie pharmaceutique. Au contraire. Ils sont d’ailleurs 64% à juger « suffisante » l’information qu’ils reçoivent des laboratoires. Un bémol toutefois : si 53% estiment cette information de « bonne qualité », en revanche 40% la qualifient de « non appropriée ». A qui la faute ? La visite médicale est montrée du doigt. En effet, les grands patrons préfèrent de loin s’informer par le biais de publications scientifiques, congrès et autres symposiums satellites, que par la VM. Une VM qu’ils jugent sévèrement : ils la perçoivent comme « trop marketing », « pas assez scientifique », voire « partisane ». Des critiques qui incitent un hospitalo-universitaire sur deux à réclamer un « renforcement » de la formation des visiteurs médicaux. Est-ce une façon de prôner la disparition de la VM ? « Pas si sûr », rétorque Gérard Hovakimian. « Ils la veulent différente, plus scientifique », explique le directeur général de Prod’Arev. Plus en phase avec leurs besoins aussi. Ils sont, en effet, 28% à souhaiter une information « adaptée à la pratique hospitalière ». Quant à voir l’industrie pharmaceutique jouer un rôle dans la FMC, 60% des médecins interrogés y sont favorables, mais 38% militent en faveur d’une FMC orchestrée par les sociétés savantes.
Davantage de transparence et de liberté d’expression
Enfin, l’étude de Prod’Arev s’est intéressée à la problématique des conflits d’intérêts, dès lors que les grands patrons sont sollicités à titre d’experts par les laboratoires. Et le sujet divise : si 52% des hospitalo-universitaires partent du principe que participer à des « boards » pour le compte de l’industrie ne présente aucun conflit d’intérêt, 34% pensent le contraire. Les grands patrons revendiquent également la transparence et la liberté d’expression : ils sont 86% à juger « nécessaire » le fait de rendre public toute collaboration avec un laboratoire et 50% déplorent la sur-représentation de l’industrie pharmaceutique lors des réunions des « boards ». Ce qui les incite à réclamer l’ouverture de ces mêmes « boards » à des experts qui seraient pharmaciens, soignants, économistes de la santé, patients ou encore sociologues. Un besoin de souffle nouveau. D’avis et de regards différents. Pour prendre du recul et mieux cerner les besoins de chacun, soignants comme soignés. Dans cette même veine, 90% des grands patrons reconnaissent la valeur ajoutée d’une agence de communication santé pour superviser l’organisation et le contenu de ces « boards ». Reste que l’avis des hospitalo-universitaires ne reflète pas l’ensemble des positions de l’univers hospitalier. Loin de là. Gérard Hovakimian en est conscient. Si bien qu’une nouvelle enquête sera conduite début 2012, juste après le vote de la « loi Bertrand ». Elle ciblera, cette fois, l’ensemble des praticiens hospitaliers.
Anne Eveillard