Investissements promotionnels : de nouveaux modèles à inventer
Stéphane Sclison - Eric Phelippeau - Nicolas Bohuon
Les investissements promotionnels de l’industrie pharmaceutique sont à la baisse. Les efforts se concentrent vers les produits de spécialités. Les niches sont privilégiées, car plus rentables. Est-ce une tendance lourde ? La visite médicale a-t-elle un avenir ? Tout est-il à réinventer ? La Fnim a ouvert le débat le 23 février, dans les salons de l’Aéro-Club de France, à Paris, en présence de Stéphane Sclison, directeur marketing chez IMS.
Quarante et un milliards de dollars. C’est le montant des investissements promotionnels de l’industrie pharmaceutique dans le monde. Un chiffre qui, de prime abord, peut paraître exorbitant. Et pourtant, il est à la baisse. En Europe, par exemple, ces dépenses ont chuté de 19% par rapport à 2008, « avec un désinvestissement de plus de 2 milliards de dollars en deux ans », souligne Stéphane Sclison, directeur marketing chez IMS et invité du dernier petit déjeuner-débat de la Fnim, à Paris.
Quelques bémols toutefois dans ce bilan un brin morose : la France arrive au premier rang des pays européens en matière d’investissements promotionnels avec une enveloppe annuelle qui atteint les 2,7 milliards de dollars. Quant aux pays tels que le Japon, le Brésil ou encore la Turquie, leurs dépenses sont à la hausse et certains observateurs les désignent déjà comme de nouveaux eldorados pour l’industrie pharmaceutique. « Les dynamiques économiques varient selon les pays et les systèmes de santé », nuance avec prudence Stéphane Sclison. En effet, dans les pays émergents, l’accès aux soins est encore parfois balbutiant et fonctionne « par à-coups ».
Japon et Etats-Unis croient à la VM sur le Net
Dans un tel contexte, la visite médicale reste dans 90% des cas « le principal support promotionnel vers les médecins », constate le directeur marketing. Sans doute parce que la VM rassure les blouses blanches dans ce climat d’incertitude. En outre, les alternatives proposées par les nouveaux médias ne sont pas encore totalement maîtrisées, apprivoisées, domptées. « Que ce soient les portails de services, les sites communautaires ou autres VM à distance via le Net, tous ces nouveaux supports sont encore dans une phase d’expérimentation », commente Stéphane Sclison. Une phase d’apprentissage. Toutefois, ce rodage touche à sa fin au Japon et aux Etats-Unis, « où la VM par le biais du Net suscite des investissements promotionnels respectivement de 2,2 et 2,5 milliards de dollars ». A titre de comparaison, en France, ce type de dépenses flirte à peine avec le million de dollars. Même scénario au Brésil. Quant aux laboratoires leaders en terme d’investissements promotionnels, Pfizer arrive numéro un aux Etats-Unis, Novartis se hisse au premier rang en Europe et Daiichi Sankyo domine au Japon.
Médecine de spécialités : la nouvelle terre promise ?
A l’origine de ce tassement des investissements promotionnels ? « L’évolution vers la médecine de spécialités au détriment de la médecine générale », observe Stéphane Sclison. Et pour cause : les niches que sont les spécialités nécessitent moins de mises de fonds et sont d’emblée plus rentables. Une sorte de terre promise, qui engendre un phénomène de concentration des sommes dégagées et engagées : « 60% des investissements promotionnels concernent 11 classes thérapeutiques », selon l’expert de chez IMS. Avec un marché à part : celui des produits liés à l’oncologie. En effet, « il pèse à lui seul près de 3,5 milliards de dollars de l’investissement promotionnel total ». Et pour cause : il concerne plusieurs spécialités telles que l’urologie, la dermatologie, la gastro-entérologie ou encore la gynécologie. Il ratisse large, donc, et réalise ainsi « quatre fois plus de ventes que d’autres profils de médicaments », selon Stéphane Sclison.
Trois ans de préparation pour lancer un nouveau médicament
Face à ces mutations, l’industrie pharmaceutique doit s’adapter et mettre au diapason ses stratégies promotionnelles. Les lignes bougent. Chacun doit revoir sa copie. Et ce d’autant qu’en France, par exemple, la VM ne justifie qu’une vente de médicaments sur cinq. Autrement dit : cette VM ne suffit plus. De nouveaux modèles sont à inventer. A tester. A maîtriser. Puis à généraliser. Un vaste chantier. Surtout à l’heure des nouveaux médias. « Face au lancement d’un nouveau médicament, le laboratoire doit désormais se préparer au moins trois ans à l’avance, préconise le directeur marketing de chez IMS. Car il n’a pas droit à l’erreur. S’il se trompe d’orientation, il n’aura que très peu de marge de manœuvre, voire aucune pour corriger le tir ». Ajoutons à cela qu’il doit être « imaginatif » et « inventif » pour « remplacer, voire compléter » la VM. Surtout à l’heure où la durée moyenne de cette VM est estimée à 7 minutes en France, 5 minutes en Espagne, mais 25 minutes en Suède. Nouvelle preuve que l’on ne peut pas développer le même message dans tous les pays.
Fini le prêt à penser
La communication de demain a des allures de sur mesure. Fini le prêt à penser. On ne peut pas communiquer de la même façon au Japon, où le médecin est propharmacien, et en France, où la régulation des dépenses est de mise. A l’aube du 21ème siècle, communication et promotion sont donc à repenser. Mais vers quelles pistes s’orienter ? Quels supports privilégier ? Les solutions idéales n’existent pas encore. Même si certains semblent revenus de la VM et des pages de publicité dans la presse médicale. Ces avant-gardistes militent notamment en faveur des publications dans les revues scientifiques internationales, fortes en crédibilité, prestigieuses en image et, bien sûr, moins coûteuses en terme d’investissements promotionnels.
Anne Eveillard