L’impact de la loi Bertrand sur les métiers de la FNIM
Riche matinée que celle organisée par la FNIM le 24 octobre autour de la loi Bertrand : deux exposés d’Eric Phelippeau et de Patrick Fallet, Professeur en Droit et Economie de la santé, et une table ronde réunissant Odile Finck, présidente de l’AACC Santé et de l’agence Action d’Eclat, Alexandra Basset, des Affaires juridiques de l’AACC et Florence Bernard, Directrice, Industrie du Médicament & Santé à l’Union des Annonceurs (UDA).
En introduction, Eric Phelippeau, président de la Fédération, a présenté les résultats de l’enquête* de la FNIM portant sur « les métiers de la FNIM et les enjeux de la loi Bertrand ». Les sondés ont répondu à 9 questions.
- 1. Vous considérez-vous suffisamment informé sur les enjeux, les contenus et les « conclusions » de la loi Bertrand ? Une nette majorité (72%) répond par la négative, à l’exception des métiers du Conseil stratégique, des agences Multimédia, Audiovisuel et Internet, et des sociétés d’études Marketing.
- 2. Vos clients sont-ils suffisamment informés face à cette loi ? Réponse : non à 87% ! A nuancer toutefois avec les résultats d’une autre étude (indépendante de la FNIM) qui montre que les laboratoires se déclarent plutôt bien informés.
- 3. Vos clients vous sollicitent-ils en vue de conseils sur l’attitude à adopter face à cette loi ? Réponse partagée (52% de oui, 48% de non) selon les métiers et avec des écarts importants : 0% de oui pour les prestataires en VM et 100% de oui pour les sociétés d’études Marketing.
- 4. Pensez-vous que votre activité vous permette de conseiller vos clients sur les conséquences de cette loi ? Réponse équilibrée (51/49%) en fonction des métiers.
- 5. Avez-vous fait appel à des conseils concernant ce dossier ? Le non l’emporte (72%).
- 6. Attendez-vous de la part des organismes professionnels (FNIM, AACC, UDA) une aide particulière concernant l’interprétation de la loi Bertrand ? Oui à 68% avec de très fortes demandes pour les sociétés d’études, les RP et événementiels, la presse et l’édition.
- 7. Pensez-vous que la loi Bertrand change radicalement votre activité ? Non à 69%, mais oui à 100% pour les métiers du Marketing Opérationnel, oui à 50 % pour le Multimédia, Audiovisuel et Internet, et oui à 33% pour la Presse et l’édition.
- 8. Attendez-vous de la part des organismes professionnels une action conjointe auprès des instances gouvernementales ? Une majorité de oui (63%) pour la plupart des métiers, à part les Agences de Communication et l’Achat d’Espace.
- 9. Souhaitez-vous que la FNIM s’engage spécifiquement auprès des instances gouvernementales ? Sentiment partagé (oui à 52%, non à 48%).
Loi Bertrand : où en est-on ? (présentation de P. Fallet)
- 1. La conformité. D’abord, la loi Bertrand n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel, ce qu’on est en droit de regretter. Ensuite sa date d’application initiale (août 2012) a été repoussée à la mi-octobre, car une nouvelle version d’un projet de décret serait à l’étude à la Direction générale de la santé. La mi-octobre est la date à laquelle « les sanctions prévues par la loi auraient dû être mises en œuvre » selon Marisol Touraine. A fin octobre on constate qu’une grande confusion règne au sein des agences prestataires comme au sein des laboratoires du fait de l’absence de décret d’application.
- 2. Que dit la loi ? Elle impose aux entreprises de rendre publiques l’existence de conventions conclues avec notamment les professionnels de santé, les associations, les étudiants des professions concernées… Elle impose aussi de rendre publics tous les avantages en nature ou en espèces octroyés (à ceux qui précèdent) au-delà d’un seuil à déterminer, sous peine d’une sanction pénale de 45 000 euros.
- 3. Quelles sont les entreprises qui doivent publier ? Les entreprises du médicament, des dispositifs médicaux, des cosmétiques et celles qui « assurent des prestations associées à ces produits », à savoir celles qui « exercent à titre principal ou subsidiaire une activité de communication ou de publicité » (deuxième version de la circulaire) telles que la presse médicale et scientifique, la presse spécialisée destinée aux PS, les agences de presse. Ces entreprises devraient donc rendre publics leurs liens avec les professionnels de la santé. La circulaire précise aussi que « en tout état de cause, ces entreprises prestataires devront s’organiser avec les entreprises du médicaments (les labos) pour éviter les doubles publications ». Or, en droit pénal, il n’y a pas de délégation possible...
- 4. Quid du secret des affaires ? Le projet de décret (version du 15/9/2012) précise que l’objet des conventions est rendu public mais pas ce qui est visé par l’article L.441-3 du Code du Commerce, c’est-à-dire les conditions commerciales. Hôpitaux et pharmacies d’officine seraient donc exclus car ils achètent aux labos. Mais quid de ce qui est acheté par les entreprises du médicament (labos + DM) : études, conseils, stratégie, publicité, analyse de marché ?
- 5. Que faut-il rendre public ? Il faut rendre publique l’existence des conventions (mais selon la circulaire, sans les montants des rémunérations allouées aux PS, ce qui a suscité une vive réaction du CNOM) et les avantages octroyés dans le cadre de l’hospitalité. La loi vise les avantages directs ou indirects. Comment les faire connaître ? L’entreprise (y compris les prestataires) doit mettre les renseignements exigés sur son site internet ou tenir un registre à disposition (les mises à jours sont semestrielles, la durée de conservation des renseignements est de 10 ans). A partir de quel montant déclarer ? 60 euros puis par tranche (60 à 500 euros et jusqu’à 500 000 euros ou plus). Il est inutile de rendre publics les repas impromptus, les cocktails sur les stands, les staffs hospitaliers etc, car la totalité des entreprises respectent ce seuil de 60 euros pour ce type de manifestations (mais pas plus de 500 euros en 6 mois).
- 6. Que mettre dans le contrat entre labo et prestataire ? - Qui fait quoi - Ce n’est pas au prestataire de soumettre à l’Ordre des médecins dans le cadre du DMOS (Diverses Mesures d’Ordre social ou loi anti-cadeaux), sauf si le contrat en décide autrement - Mention incontournable dans les contrats/conventions entre un PS et un labo et/ou son prestataire : « le présent contrat fera l’objet d’une publicité au sens de l’article L.1453-1 du Code de la santé publique ». Cette mention pose le problème de la confidentialité confrontée à une obligation de publicité. Le fisc pourra aussi consulter les sites des entreprises en se focalisant sur les tranches les plus élevées ; en fait, tout le monde (patients, collègues, directeur d’hôpital, journalistes d’investigation) aura la possibilité de se renseigner… - Le projet de décret prévoit l’obligation faite au labo (ou au prestataire) de fournir au CNOM l’autorisation de cumul d’activités du PS délivrée par le directeur de l’hôpital.
- 7. Quelle prise de risque pour les prestataires ? Elle est mineure, car les juges au pénal répugnent à entrer en condamnation sur la base de textes mal rédigés.
- 8. La publicité en faveur des médicaments. En rappel : la loi ne modifie pas la définition de la publicité. Mais elle impose un dispositif plus contraignant de contrôle a priori avec des fenêtres de dépôt d’une semaine à 2 mois pour la publicité destinée aux PS. Attention, ce qui était un simple motif de mise en demeure dans le cadre du contrôle a posteriori devient un motif de refus dans le cadre du contrôle a priori. Le silence vaut acceptation. L’une des principales conséquences du contrôle a priori est l’absence de réactivité face à la démarche d’un concurrent. Devant les incertitudes existantes, plusieurs labos privilégient la communication institutionnelle par rapport à la communication Produit.