L’univers méconnu du Dispositif médical
Que se cache-t-il derrière cette expression « Dispositif médical » ? Outre les spécialistes, peu nombreux sont ceux capables de dire ce qu’elle recouvre exactement. Pour en savoir plus sur cet important secteur économique, assez hétérogène et parfaitement méconnu du public, la FNIM avait invité quatre intervenants : François-Régis Moulines, directeur des affaires publiques et communication du SNITEM (Syndicat national de l’industrie des technologies médicales) ; Nathalie Gantin, chef de marché chez Péters Surgical ; Pierre Sanchez, responsable commercial DM Mag et Pharmaceutiques ; Isabelle Bikart DG Capital Equipement Medical et 22 Juillet Conseil.
Qu’est ce que le Dispositif médical ?
« Un parcours de soin », « ça se passe à l’hôpital », « la carte Vitale », « le système de remboursement », « c’est compliqué »… Il suffit d’un rapide sondage pour souligner que le grand public, voire certains professionnels de la santé, éprouvent le plus grand mal à cerner la notion de Dispositif médical qui n’est elle-même pas très parlante. « Le dictionnaire fait l’impasse sur l’expression, tandis qu’en consultant Google, on obtient le résultat inverse avec plus de 4 millions de réponses, ce qui ne nous avance pas plus. Pourtant, le DM recouvre un univers particulièrement riche et varié qui n’a rien de l’auberge espagnole ». La HAS rappelle que le DM est défini dans le code de la santé publique « comme tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l’exception des produits d’origine humaine (…) destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales (…) ». Ce qu’il faut d’emblée noter, c’est l’extrême diversité du secteur illustrée par des dizaines de milliers de produits, de la seringue au défibrillateur, qui sont essentiels à la prise en charge d’un grand nombre de pathologies ou de handicaps. Derrière cette très grande diversité des produits, on trouve bien sûr des fabricants eux aussi en grand nombre (94% de PME) qui dégagent un CA de 20 milliards d’euros par an. Nous sommes donc en présence d’un véritable univers industriel et qui reste insoupçonné pour l’immense majorité de la population. « Ainsi, reprend François-Régis Moulines, selon le ministère de l’Industrie, les « fabricants » emploient en France 65 000 personnes et développent des activités de R&D (820 sur 1079) contribuant à l’excellence française. Durant les 50 dernières années, plus d’une première mondiale sur deux concernait un DM. Ce n’est donc pas un secteur anodin alors qu’il reste encore très méconnu ».
Le risque de la sur-réglementation
Le chiffre astronomique des produits du DM, estimé par l’IGAS entre 800 000 et 2 millions (!), laisse supposer qu’une grande part de ceux-ci ne sont produits qu’en petite série. Ainsi, moins de 1000 endoprothèses aortiques thoraciques et moins de 25 000 valves cardiaques sont posées chaque année en France. Il s’agit donc pout l’essentiel d’un marché de niches, presque d’un marché de produits sur-mesure et ultra ciblés, ce qui explique la forte proportion de PME. Par ailleurs, ces produits vont de l’outil le plus simple, par exemple un abaisse langue, au plus sophistiqué, par exemple un défibrillateur cardiaque. Si ces multiples aspects ne sont pas pris en compte par les pouvoirs publics, les risques de déstabilisation de l’industrie du DM sont réels :
- La mise en place d’une procédure centralisée de type AMM serait évidemment inadaptée car ingérable
- Le business modèle du DM impose des délais d’accès au marché compatibles avec le cycle de vie court des innovations
- Le projet de loi sur l’interdiction du Bisphénol A fait peser la menace d’une suspension sur 400 substances
- Une sur-réglementation serait hors sujet alors que le secteur demande une réglementation adaptée (de même pour la fiscalité ou les achats hospitaliers massifs).
Pour François-Régis Moulines, « il y a une fragilité propre au secteur et toute réglementation trop contraignante peut mettre en péril bon nombre de PME qui produisent des produits de niche ».
La structuration des soins
Un autre aspect des technologies du médical est qu’elles structurent l’offre de soins et contribuent à une amélioration de l’organisation (et peuvent par conséquent participer à une baisse des coûts) : réduction de la durée de l’hospitalisation, prise en charge à domicile, suivi à distance, plus grande autonomie du patient. Dans le même cadre, un produit de DM est souvent lié à l’acte : l’utilisation ou la pose d’un DM requiert un geste adapté et donc nécessite une information ou une formation qui permet de répondre à des règles de bonne utilisation du produit. Le geste du praticien ou celui du patient est déterminant pour la bonne performance du produit DM, d’où le caractère crucial de la formation, laquelle n’entraîne pas mécaniquement une augmentation du nombre d’actes liés au produit. « On comprend facilement, dit François-Régis Moulines, qu’on ne pose une prothèse de hanche qu’une ou deux fois, guère plus. La plupart des DM ne sont pas des produits qui entraînent des habitudes de prescription ». Les notions de force de vente ou de promotion n’ont pas tout à fait le même sens pour le DM que pour le reste de l’industrie de la santé.
Le rythme soutenu des évolutions technologiques
Le secteur du DM fait preuve d’un fort dynamisme : ainsi en cardiologie, les cycles de vie de situent entre 2 et 4 ans. « S’il existe dans le domaine des DM des innovations de rupture déterminantes pour le progrès médical, poursuit François-Régis Moulines, l’innovation se caractérise dans ce secteur par une très forte proportion d’évolution incrémentale ». L’amélioration continue des produits se fait en collaboration avec les professionnels de la santé et par un retour d’expérience permanent, et souvent, une série d’améliorations débouchent au bout de quelques années sur une innovation majeure ». Par exemple, le défibrillateur, apparu dans les années 70, a vu sa taille se réduire progressivement, tout en gagnant en autonomie et en perfectionnant la technique pour aboutir à une défibrillation dite « intelligente ».
L’exemple de l’entreprise Péters Surgical
Péters Surgical est une PME française*, créée en 1926, qui développe, fabrique (en France) et distribue des produits destinés principalement à la chirurgie. Ce qui est frappant, c’est l’abondance de l’offre avec 3000 références** destinés à pas moins de 2170 clients dans le monde entier. Pour Nathalie Gantin, chef de produit Marketing, « la variété de l’offre est due à deux facteurs : d’abord nous entretenons une relation privilégiée, un véritable partenariat, avec les utilisateurs et on fait évoluer les produits en fonction des usages qui sont eux-mêmes très diversifiés ; ensuite, il faut savoir que chaque pays possède ses propres pratiques chirurgicales. Pour Péters Surgical, l’essentiel est d’accompagner le geste opératoire ». Les produits, centrés sur le bloc opératoire, sont à la fois très divers et très techniques : drains cannelés en silicone, sutures ophtalmiques, implants. « Nous évoluons dans un secteur de niches différent de celui de l’industrie pharmaceutique : les budgets de communication ne sont pas les mêmes, notamment en termes d’investissement presse. En revanche, on subit comme les autres les nouvelles réglementations, en particulier celles issues de la loi Bertrand ou les politiques d’achats groupés : appliquer ces réglementations représentent un surcoût très pénalisant (révision de la totalité des brochures). Mais au bout du compte l’impact de ces réglementation est pour notre entreprise moins fort que prévu ». Autre différence par rapport aux commerciaux (VM) des entreprises du médicament : les visiteurs comme les « marketeurs » vont au cœur du métier, jusqu’au bloc. « Cela suppose d’être toujours réactif, toujours en éveil pour proposer de nouveaux produits et des nouvelles techniques de communication comme par exemple les workshops lors des congrès ».
La presse spécialisée
Pour conclure cette matinée consacrée au DM, Pierre Sanchez et Isabelle Bikart ont présenté leurs productions print. A commencer par un tout nouveau titre : le trimestriel DM Mag. « L’objectif, explique Pierre Sanchez, est de fédérer les acteurs du DM, valoriser et défendre les intérêts de la filière, l’actualité politique et réglementaire de ce secteur très riche en innovations. On part du principe qu’il vaut mieux prendre en main sa propre communication avant que les pouvoirs publics s’en chargent à notre place ». Pour Isabelle Bikart, « la presse du DM est, à l’image du secteur, ultra spécialisée. La DM est un marché de niches, similaire à celui des biotech, les entreprises sont proches de leurs clients, et en communication, c’est compliqué, quoique humainement très enrichissant. Mais le problème des ressources se pose régulièrement aux services Marketing ».
Encadré : la filière du DM
Plutôt que de Dispositif médical, il serait plus éclairant de parler de Technologies pour la santé car les DM sont avant tout du matériel médical ainsi que des services associés. En cela, elles se distinguent du médicament qui, lui, comporte une ou plusieurs molécules. L’univers du DM est essentiellement industriel et se situe au croisement de multiples disciplines : mécanique, électronique, informatique, chimie, physique… Mais de nombreuses entreprises développent des activités de service telles la maintenance, la formation ou la télémédecine. Pour donner une idée de la diversité de la production, prenons deux spécialités comme la cardiologie et la chirurgie au bloc. Dans le cas de la cardiologie, la filière DM se manifeste par des produits tels que stimulateurs, stents, prothèses vasculaires, valves cardiaques, endo-prothèses aortiques etc. En chirurgie, on trouve une impressionnante liste de « consommables » : entre autres, ligatures et sutures, pousse seringue, cathéters, perfuseurs, gants, masques, ciseaux, aspirateurs de muscosité… La foule des références de produits est impressionnante.
*135 salariés, CA 2012 prévisionnel 30 millions d’euros dont 50% à l’export.
** Sutures, drains, accessoires de blocs, sondes, orthèses…