Le marché de l’automédication : un nouvel essor ?
Depuis une bonne dizaine d’années, on prédit au marché de l’automédication un bel avenir. Or, si ce marché évolue positivement (+ 15,5 % de 2000 à 2010), il ne décolle pas, malgré une tendance de fond chez les consommateurs. L’année 2012 sera-t-elle celle du véritable essor de l’automédication ?
Qu’est-ce que l’automédication ?
Selon la définition de l’OMS, qu’ont rappelée les deux intervenants de la matinée FNIM du 25 janvier 2012, Catherine Cornibert, présidente de ACS, et Pascal Brossard, président de l’AFIPA*, « l’automédication désigne le choix et l’usage de médicaments autorisés, accessibles sans ordonnance, sûrs et efficaces, par des individus, dans le but de traiter des symptômes ou des maladies identifiés » avec le conseil du pharmacien. On parle alors d’automédication responsable. Le type de médicaments visé est dit de « prescription médicale facultative » (PMF). L’automédication responsable exclut le fait de réutiliser un médicament prescrit sans l'avis d'un professionnel de santé ou d’acheter un médicament sur internet car ce sont des pratiques dangereuses pour la santé.
L'automédication responsable est un des aspects du « selfcare » (prendre soin de soi) qui désigne la prise en charge de sa santé par l'individu lui-même et incluant prévention, environnement, hygiène de vie, hygiène alimentaire et donc automédication responsable. En France, l’interprétation de l’automédication diffère selon les interlocuteurs. Ainsi pour les patients, « je me soigne seul et je prends des médicaments dans mon armoire à pharmacie » ; pour les médecins, l’automédication présente un danger car elle peut mener au mésusage. C’est de la « bobologie » ; pour les pharmaciens, l’automédication représente une médication officinale : le pharmacien est le professionnel de soin privilégié (PDS). La médication officinale est une approche de préférence par symptôme : maux de tête, toux, maux de gorge, mal de ventre… Pour les laboratoires pharmaceutiques, l’automédication nécessite un encadrement par les PDS. Elle correspond à un type de médicaments en vente libre classés selon des pathologies bénignes ; pour la CNAM, l’automédication est associée à des comportements déviants et irresponsables sans avis d’un PDS ; pour les medias, l’automédication est la médication familiale. Le PDS est associé en cas de recours. Enfin pour les assureurs, l’automédication est conçue comme accompagnée (par eux-mêmes).
*Association Française de l’Industrie Pharmaceutique pour une Automédication Responsable.
Les enjeux économiques
Le marché français de l’automédication, qui n’a pas tenu toutes ses promesses, ne manque pourtant pas d’atouts, et en premier lieu une tendance de fond chez les consommateurs : 68% des 14-64 ans pratiquent l’automédication et 82 % des personnes interrogées font confiance aux médicaments sans ordonnance*. Les industriels ne s’y sont pas trompés : en 2011, les produits OTC (« over the counter ») ont représenté plus du tiers de l’investissement en communication (notamment lors de campagnes TV) de l’industrie pharmaceutique. Le libre accès à ces produits est pratiqué par une officine sur deux. Par ailleurs, on note :
- le manque de temps des patients pour consulter
- le fort développement de pathologies mineures particulièrement en milieu urbain (allergies etc)
- l’obligation de l’affichage des prix dans le cadre du libre accès
- la présence de 190 marques en libre accès
- que certains assureurs remboursent les produits OTC
- les risques liés à la médication négative
- les prix élevés, d’autant plus dissuasifs en période de crise économique et de baisse du pouvoir d’achat
- la coexistence de produits remboursables et non remboursables dans les mêmes domaines thérapeutiques
- la concurrence des marchés de la cosmétique et des produits naturels.
Vers un essor de l’automédication à partir de 2012 ?
Cependant, plusieurs facteurs montrent que l’automédication va évoluer de manière inéluctable. Ainsi :
- De nouveaux domaines thérapeutiques s’ouvrent à l’automédication tels que l’obésité ou la digestion
- La baisse du nombre de MG (« désertification médicale ») en France favorisera le report de la prescription du petit risque du côté du pharmacien
- D’où une accentuation du rôle de conseil du pharmacien, lequel en outre recherche de nouvelles source de chiffre d’affaires
- Il existe un réel potentiel d’économies pour les comptes publics avec le délistage de certaines molécules (gain potentiel : 130 millions d’euros).
Favoriser l’automédication responsable
Afin de limiter au maximum les risques de mésusage de l’automédication, l’AFIPA a dressé une liste de 8 propositions :
1) Donner dès le plus jeune âge une éducation à la santé
2) Lancer une campagne institutionnelle sur les bonnes pratiques liées à l’automédication
3) Clarifier l’offre de médicaments d’automédication avec un packaging adapté, dont un logo spécifique (ce qui existe déjà en Italie)
4) Elargir le champ de l’automédication à certains traitements chroniques sans gravité
5) Permettre aux patients d’accéder à des produits d’automédication déjà disponibles dans d’autres pays européens
6) Valoriser les produits d’automédication issus de déremboursement en remplaçant l’expression « service médical rendu insuffisant » par celle de « soumis à une prise en charge individuelle »
7) Former les professionnels de santé (en particulier les pharmaciens) à l’automédication responsable
8) Lancer une réflexion pour inciter les pharmaciens et convaincre les médecins à conseiller leurs patients à recourir à l’automédication responsable.