Les Français ont confiance dans leurs médicaments… malgré tout
Large confiance dans les médicaments : c’est l’opinion des Français envers les produits des entreprises du médicament telle qu’elle a été mesurée par l’Observatoire sociétal du médicament (LEEM) en janvier 2012*, et cela malgré l’affaire du Mediator. En revanche, la population identifie de multiples menaces pesant sur l’économie de la santé et persiste à considérer que le principal objectif des laboratoires consiste d’abord à réaliser des profits.
Une confiance stable et forte
84 % des Français ont confiance dans les médicaments en général (+ 2 points/2011), en particulier les vaccins, et 94 % dans ceux qu’ils prennent. Ces taux élevés ne font pas pour cela de la France une exception : en Europe comme aux Etats-Unis, les niveaux de confiance sont à la fois très élevés et homogènes. Cette confiance est encore renforcée par l’ordonnancement – 25 points d’écart entre les médicaments sur ordonnance et ceux sans ordonnance - et le remboursement. De même, les Français se fient plus aux produits de marque (90 %) qu’aux génériques (78 %). Mais on note un besoin de davantage d’informations sur les produits qui sont prescrits : pour 39 % des sondés (taux élevé), les médecins ne donnent pas assez d’informations. Afin de compléter leurs connaissances, notamment en matière d’effets secondaires, les Français se réfèrent aux notices (59 %) et se renseignent sur internet (53 %) ou auprès des officines (43 %). A signaler une certaine défiance vigilante quant au Web dont les informations donnent rarement satisfaction (qualité douteuse, avis contradictoires).
Comment s’exprime concrètement la confiance ?
Si les Français font confiance aux médicaments c’est d’abord (44 %) parce qu’ils les jugent « efficaces » (réponse spontanée) et qu’ils « donnent de bons résultats », ensuite (29 %) parce qu’ils « sont testés et contrôlés » et enfin (26 %) parce qu’ils sont « produits et prescrits par des professionnels compétents ». Inversement, mais en mineur, les raisons de la non confiance se rapportent aux effets indésirables (8 %) et à l’attitude des laboratoires jugés principalement intéressés par les profits (6 %).
*Enquête Ipsos présentée lors de la réunion FNIM du 28 mars 2012 par Eric de Branche, directeur de la communication du LEEM, et Fabienne Simon, directrice du département corporate Ipsos. Elle a été menée auprès d’un échantillon représentatif de 1000 personnes en France, complétée par des échantillons de 1000 personnes dans d’autres pays occidentaux (Allemagne, Suède, GB, USA, Espagne). Une première enquête utilisant la même méthodologie avait été initiée début 2011.
Risques et menaces propres aux médicaments
A 90 %, les Français ont conscience que « les médicaments sont des produits actifs qui présentent certains risques » ; 70 % pensent que « tous les médicaments ont des effets secondaires » même si 33 % seulement disent en souffrir quand ils prennent un médicament. Dans le même ordre d’idée, l’opinion identifie de multiples menaces, cette fois au niveau macro économique, pesant sur le système de santé. Elle s’inquiète en particulier de l’avenir de la qualité des soins. Ainsi 95 % des Français – score très élevé – citent l’augmentation des tarifs des mutuelles, le déficit de la sécurité sociale (94 %, +5 pts/2011), le problème de la dette et du déficit public (93 %), la pénurie de médecins (92 %, +4 pts), la contrefaçon (90 %, +8 pts) ou encore le coût des nouveaux traitements (91 %, +10 pts) et le déremboursement (88 %). L’affaire du Mediator, dont tout le monde a entendu parler (98 % de l’échantillon), n’a pas trop touché l’ensemble de la filière pharmaceutique, car les Français font porter la responsabilité essentiellement sur le laboratoire qui a produit le médicament et les autorités sanitaires de contrôle – les médecins restant relativement épargnés. Ainsi, malgré le contexte, les entreprises du médicament bénéficient d’une image assez bonne, quoique contrastée : 60 % d’opinion positive, au quatrième rang derrière le bâtiment (perçu comme créateur d’emplois), l’automobile et les télécoms, mais devant l’agro-alimentaire, la banque ou les pétroliers. Cependant, si les Français reconnaissent aux entreprises des efforts en qualité et en innovation, ils acceptent mal qu’elles recherchent le profit (posture hexagonale traditionnelle : le médicament assimilé à un bien public) comme objectif prioritaire (alors que ce devrait être la santé). Par ailleurs, les avis restent partagés (52 % positifs) quant à « l’attention (de ces entreprises) à la sécurité des médicaments », conséquence de l’affaire du Mediator. Idem pour le rôle économique des laboratoires, pourvoyeurs d’emplois et moteurs de croissance, qui est reconnu mais moins souligné que lors de la précédente enquête. Si les sondés admettent qu’en « France, on consomme trop de médicaments » (89 %), cela concerne essentiellement « les autres » (déni repéré dans d’autres études, notamment celles liées à l’accidentologie automobile).
Enfin, on constate que les Français montrent de la prudence vis-à-vis du risque pris quand on commercialise un médicament : ils sont 76 % à déclarer qu’il ne faut prendre aucun risque, appliquant à la lettre le principe de précaution, à l’exception des traitements liés aux maladies très graves : dans ce cas, ils acceptent (72 % pour) que l’on prenne des risques.
Progrès et innovation Le secteur est perçu comme innovant en permanence : pour 95 % des Français, les entreprises du médicament ont un rôle important (très important pour 41 % et primordial pour 27 %) dans la découverte de nouveaux traitements : c’est 10 points de mieux qu’en 2011. Le regard est très positif quant aux progrès réalisés depuis 20 ans (76 %) et quant à ceux à venir dans les 20 prochaines années (78 %) : les médicaments ne seront peut-être pas plus faciles à prendre, mais ils seront mieux maîtrisés dans leurs effets secondaires, plus efficaces et moins risqués. Le public est par contre sceptique au chapitre du contrôle : seule une chétive majorité (51 %) estime que les produits sont mieux contrôlés qu’il y a 20 ans (effet Mediator ?). Idem en matière de risque avec 38 % seulement de l’échantillon qui considère que les médicaments sont moins risqués qu’il y a 20 ans.
Conclusion
Il était à craindre que l’affaire du Mediator contamine tout le secteur de l’industrie pharmaceutique. L’étude de l’Observatoire Sociétal du Médicament montre en réalité que les effets négatifs sont restés collatéraux : l’expérience positive des Français avec leurs médicaments est prédominante. Tout ce qui gravite autour de l’innovation, de la R&D, de la capacité à mettre au point des produits efficaces, bref du progrès, est salué par la population. Par contre, des doutes persistent sur l’attention que les entreprises portent à la sécurité des produits lancés sur le marché, et le reproche fait à ces mêmes entreprises de faire du profit, de la rentabilité financière, sur le dos de la santé, continue à faire l’unanimité. Enfin, à quelques semaines des élections présidentielles, l’enquête souligne que le thème de la santé** est pour nos compatriotes très important (63 %), voire prioritaire (13 %) ; or 89 % des sondés déclarent mal connaître, dont 41 %, très mal, les propositions des candidats sur ce même thème…
Denis Briquet
** Ce résultat corrobore celui de l’enquête Mediascopie menée pour LCI et Metro parue début mars qui souligne que la santé et l’éducation sont les deux principales préoccupations des Français.