La remise des trophées du 24ème Festival de la Communication Santé a eu lieu en matinale à Paris le 12 décembre. A cette occasion, a été organisée une table ronde ayant pour thème : « la communication corporate des entreprises du médicament a-t-elle du sens, notamment en période de crise ? ». Il y avait une forte affluence, une centaine de personnes, pour écouter les orateurs… et applaudir les lauréats.
Présentation du Festival de la Communication Santé par sa présidente, Dominique Noël
« Les maîtres mots de la dernière édition du Festival ont été décloisonnement, partage et ouverture. Si par le passé, le Festival était plutôt dédié à l’industrie, donc aux annonceurs, et aux médecins, aujourd’hui, la communication ayant évolué vers plus de transversalité, il s’est beaucoup ouvert. En effet, le patient est devenu acteur de sa santé : ainsi nous avons souhaité mettre en avant les associations, aidants, agences, soignants et entreprises du secteur. Côté chiffres, la manifestation a réuni à Deauville 165 personnes pendant deux jours, dont un réservé aux quatre conférences plénières ; 32 projets ont été présentés en compétition et deux ateliers consacrés aux réseaux sociaux. Les conférences, toutes de haut niveau, ont traité de quatre sujets importants : la santé connectée (en partenariat avec Isidore-Vidal), la santé en entreprise (en partenariat avec la FNIM), conflit d’intérêt et transparence dans un monde de liens (en partenariat avec l’UDA) et place du patient dans l’élaboration des politiques publiques. Durant le Festival, on a dénombré 2206 tweets, plus de 5 millions d’impressions soit potentiellement le nombre de gens touchés contre 1,9 million en 2012.
Nous avons pour objectif, dans les années à venir, d’embrasser un panorama le plus exhaustif possible de la communication santé en essayant de n’oublier personne comme par exemple les campagnes institutionnelles internes. La communication santé, c’est un peu comme le tonneau des Danaïdes : les sujets se renouvellent sans cesse. Ainsi nous devrons être attentifs à la nutrition, secteur en pleine croissance, ou à l’apparition de responsables de com’ santé au sein des entreprises (par exemple EDF), ou encore à la santé animale.
Enfin, en 2014 aura lieu la 25ème édition du Festival qui sera placée sous le signe de l’ouverture et du partage, et pour cet anniversaire, nous vous réserverons quelques événements qui, je l’espère, vous surprendront.
« La communication corporate des entreprises du médicament a-t-elle du sens aujourd’hui en période de crise ? » : table ronde animée par Eric de Branche, directeur de la communication du LEEM et Eric Phélippeau, président de la FNIM. Avec Frédérique Saas*, Jean-Yves Mairé*, Gérard Bouquet* et Florence Paris*.
Question clé : quelle définition donner à la communication corporate ?
Florence Paris : C’est la communication de l’entreprise, laquelle se distingue de la communication produit. La problématique chez Coca-Cola est que l’entreprise et le produit portent le même nom. Autant les Français connaissaient et appréciaient le produit, autant ils ignoraient tout de l’entreprise. Par exemple, tout le monde croyait que le soda arrivait directement des Etats-Unis alors que les produits Coca-Cola (outre Coca, Fanta, Sprite, Minute Maid…) sont fabriqués en France. Il y avait donc un problème de perception – identique d’ailleurs à celui que rencontrent souvent les entreprises du médicament, secteur où j’ai travaillé pendant 16 ans. D’où ma nomination chez Coca-Cola il y a cinq ans. A l’époque, Coca-Cola était une entreprise de marketing drivée par ses marques. Aujourd’hui, la fonction communication et affaires publiques constitue la priorité n°1 et il n’y a pas une seule campagne produit sans son aval, aussi bien au Siège à Atlanta qu’en Europe. Pourquoi ? Parce que les dirigeants ont pris conscience que la réputation de l’entreprise est une donnée très importante.
Jean-Yves Mairé : Je définis la communication corporate par trois R : réputation, responsabilité et retour sur investissement. Réputation : notre travail, au travers du « contrôle » de l’image externe, consiste à ce que l’image dans le public corresponde aux valeurs de l’entreprise, à ce qu’il n’y ait pas distorsion entre ce que le public pense de nous et ce que nous sommes. Responsabilité : pendant des années, l’industrie pharmaceutique s’est contemplée dans un miroir, mais aujourd’hui c’est fini. Nous devons tenir compte des contraintes externes, des payeurs, des autorités de santé, des associations de patients. Avec toutes ces organisations, le corporate doit entretenir des relations de transparence et de partenariat. Retour sur investissement : nous devons assurer un cadre, un environnement le plus positif possible pour notre activité.
Frédérique Saas : Pour moi, la communication corporate, c’est de la communication produit, sachant que le produit en question, c’est l’entreprise. Autrement dit, la démarche marketing est identique : pourquoi entreprendre telle action ? Quelle utilité ? Pour quel ROI (mesurable en termes de business, de notoriété, d’image) ?
Gérard Bouquet : Il faut d’abord souligner que la communication corporate assure le lien entre l’entreprise et la société. Ensuite, elle sert de socle aux autres types de communication – produit, financière ou sociale. Enfin, elle permet de rendre cohérentes les activités de l’entreprise. C’est pourquoi les éléments de l’identité de marque doivent être représentés dans l’ensemble des communications. Pour prendre un exemple, la présence du logo de la marque sur les annonces publicitaires fait le lien entre l’identité de l’entreprise et la communication de ses produits. L’entreprise montre un produit sur une page et en plus elle appose sa signature, elle s’engage, elle garantit en quelque sorte le produit.
Question clé : On sait qu’aujourd’hui les journalistes s’intéressent avant tout à ce qui ne va pas. En période de suspicion vis-à-vis des laboratoires, peut-on encore entretenir des relations avec la presse ?
Jean-Yves Mairé : Bien sûr. Mais il y a une pluralité de journalistes, tous très différents. Entre celui de BFM et le chargé de production d’une émission documentaire, il n’y a pas beaucoup de points communs. Il nous revient de s’adapter à la variété des interlocuteurs, lesquels ne sont pas nécessairement des ennemis.
Florence Paris : De nos jours, l’industrie alimentaire vit les années de défiance de l’industrie pharmaceutique d’il y a dix ans. Cela dit, dans le cas de la marque Coca-Cola, on vend du plaisir et on arrive à monter des opérations positives avec la presse. C’est un travail de longue haleine car Coca-Cola représente dans l’esprit de certains journalistes la grande multinationale américaine qui participe à l’obésité. Par ailleurs, je conseille à nos porte-paroles d’éviter les plateaux polémiques.
Frédérique Saas : Dans le cas d’une information pro active, les entreprises peuvent avoir tendance à vouloir faire passer auprès des journalistes un message de type publicitaire alors qu’ils détestent être pris pour des pancartes. Il faut savoir donner l’information digne d’intérêt aux jeux des journalistes pour avoir une chance d’être repris.
Gérard Bouquet : Le journaliste participe au débat démocratique, il faut donc le respecter. Il faut aussi, cela vient d’être souligné, éviter de le manipuler. D’un autre côté, j’estime qu’il en va de la responsabilité de l’entreprise de refuser de travailler avec des journalistes qui manquent d’honnêteté professionnelle, à condition d’expliquer aux rédactions des supports pour quelles raisons on refuse de travailler avec tel ou tel.
Question clé : Le développement du numérique qui permet un contact direct avec des marques avec le grand public entraîne-t-il une désaffection des marques pour la presse ?
Florence Paris : D’une manière générale, la percée du numérique prend de plus en plus de place dans nos budgets publicitaires. Ainsi Coca-Cola investit 30% de son budget publicitaire dans le numérique. En France, nous mettons en place une équipe de 11 personnes pour répondre aux questions ou aux commentaires de nos consommateurs ou des internautes. L’objectif est de faire de l’e-réputation en répondant aux commentaires négatifs, en donnant son point de vue sans se cacher.
En conclusion :
Gérard Bouquet : Nous sommes dans un secteur où les communications corporate sont peu différenciées, en partie du fait des contraintes réglementaires. Ainsi il y a parfois une confusion entre la communication institutionnelle des entreprises du médicament et la communication du secteur du médicament. Cela fragilise le secteur en entier si une entreprise se trouve dans une position défaillante.
Jean-Yves Mairé : La communication corporate s’adresse avant tout au patient. Le danger consiste à être nombriliste et à survendre le laboratoire en oubliant que le « client final », c’est le patient.
Frédérique Saas : Finalement, la frontière est extrêmement mince entre communication corporate, communication patient et communication sur les pathologies. Cela représente une véritable opportunité de communication corporate « élargie » pour les entreprises.
Florence Paris : Je voudrais souligner qu’il n’y a pas de communication corporate si le senior management n’est pas convaincu de son efficacité. Cela signifie qu’au sommet de l’entreprise on est persuadé que la communication corporate a un réel impact.
Denis Briquet pour la FNIM
*Directrice de la communication de LEO Pharma et présidente de RCS, Réseau Communication Santé ; directeur de la communication d’AstraZeneca ; Senior consultant au cabinet conseil Madis Phileo ; Directrice de la communication de Coca-Cola France (ancienne directrice de la communication de GSK).
Palmarès du Festival de la Communication Santé
L’édition 2014 du Festival de la Santé a consacré, entre autres, les campagnes de communication audacieuses, voire risquées.
Grand prix ex aequo : LEO Pharma pour l’opération originale La peau s’affiche (campagne street art sur la place du Palais Royal à Paris) et L’AMFE (film La minute blonde pour l’alerte jaune, campagne audacieuse de sensibilisation de la couleur des selles du bébé).
Prix de la communication médicale : or décerné à MundiPharma (lancement d’une nouvelle revue de médecine générale « aïe ! Dialogue autour de la douleur » ; argent à Elsevier Masson (guide Zéphyr) ; bronze à l’association FORMATICSanté (Echanges et formation en ligne pour les étudiants et PS).
Prix de la communication hospitalière : or décerné à Bayer Healthcare (face à l’AVC « 4h30 chrono ») ; argent à Air Liquide Healthcare (TAKEO) ; bronze à MACSF (webdocumentaire pour prévenir et faire face à la violence à l’hôpital).
Prix de la communication santé grand public : or décerné à IDS Santé (My santé mobile pour sensibiliser à la pratique d’une activité physique régulière) ; argent à Havas Life (campagne « Gardez le contrôle » sur l’éjaculation précoce, sujet tabou et pathologie non reconnue) ; bronze au LEEM (websérie « Médicaments à la maison »).
Prix de la communication corporate (nouveauté) : or décerné à LEO Pharma (opération La peau s’affiche) ; argent à Orange Healthcare : bronze à MundiPharma (Think Human).
Prix de la communication Produit grand public (nouveauté) : dans la catégorie dispositifs médicaux, or décerné à Urgo (campagne TV) ; dans la catégorie médicaments OTC, or décerné à Bouchara Recordati (Hexaspray) ; dans la catégorie dermo-cosmétique, bronze décerné à la Fondation Mustela.
Prix de la communication patients et leurs familles : or décerné à Novartis (Sep en scène ou la sclérose en plaques sur les… planches) ; argent à Hepatoweb HD.
Prix de la communication associative décerné à l’AMFE.
Prix de la start-up (nouveauté) décerné à DMD Santé.
Prix de l’innovation parrainé par l’UDA décerné aux Laboratoires Expanscience (Arthrolink.com)
Prix de la FNIM décerné à l’AMFE.