Une marque pour se faire remarquer
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Eric Phelippeau - Nicolas Bohuon - Sandrine Montoya - Gérard Caron
Comment faire vivre une marque ? Lui donner une image ? La dynamiser ? La moderniser ? La pérenniser ? Tel a été l’objet du débat organisé le 23 mars à l’Aéro-Club de France, à Paris. Autour de la table, trois experts en la matière : Eric Phelippeau, patron de By Agency et secrétaire général de la Fnim, Gérard Caron, à la tête de Caron Design Network et président co-fondateur de Carré Noir, et Sandrine Montoya, représentante du groupement de pharmaciens Giphar.
Le saviez-vous ? Chaque jour, nous sommes confrontés à 800 mots différents, 2 000 vues panoramiques, 20 000 stimulis visuels et quelque 150 marques et logos. Tout un univers d’images et de signes, dont nous ne retenons pas tout, bien sûr. Concernant les marques et logos, sur les 150 vus en 24 heures, nous n’allons nous souvenir que de 10 d’entre eux… Ce qui en dit long sur les mille et un stratagèmes, subterfuges et autres axes stratégiques à mettre en place pour sortir du lot. Faire en sorte qu’une marque se remarque. En particulier dans le domaine de la santé. Car, nouvelles technologies et nouveaux médias obligent, la communication faite autour du soin, du médicament et des blouses blanches relève parfois de « la cacophonie ». C’est Eric Phelippeau, patron de By Agency et secrétaire général de la Fnim, qui le dit. « Parce qu’Internet a complexifié la parole ». Du coup, les messages se brouillent. La preuve : en 2010, les Français ne connaissaient spontanément que 8 noms de laboratoires pharmaceutiques, selon une étude GfK. « Même scénario avec le pharmacien : une fois sur deux, il ne connaît pas le nom du laboratoire associé au médicament qu’il vend », souligne encore Eric Phelippeau. Dans un tel contexte, rien d’étonnant si Sanofi-Aventis arrive au 61ème rang du « Top love » des marques en France. « Or, la marque intervient dans tout processus psychologique qui précède un acte d’achat », explique Gérard Caron, à la tête de Caron Design Network et président co-fondateur de Carré Noir. Et ce, que ce soit pour acheter une montre, une machine à café, une voiture ou un médicament. Gérard Caron est formel : « pas moins de 75% de nos décisions sont inconscientes ». Conséquence : pour qu’une marque soit remarquable et remarquée, « elle doit créer une émotion ».
Mettre en scène des codes liés aux formes et aux couleurs
La forme et la couleur d’un logo ou d’un packaging peuvent à elles seules influer sur un acte d’achat. Parce qu’elles sont utilisées avec habileté et subtilité pour séduire, faire rêver, tutoyer l’imaginaire. A titre d’exemples, le cercle rappelle l’œuf, la protection, la planète ; le carré reflète la chose finie, façonnée par l’homme et donc l’idée d’un certain accomplissement ; quant au triangle, il symbolise l’élévation. La mise en scène de ces codes, décryptés ici par Gérard Caron, fait que l’on va inconsciemment retenir –ou pas- un sigle, un logo, une image, un slogan, une marque. Et si cette mise en scène est également rythmée par une saga familiale liée à la marque, un savoir-faire reconnu, un style de communication, un sens de l’innovation, une distribution qui évolue avec les modes de consommation, une stratégie de positionnement et un minimum de charisme, alors c’est le succès garanti. Ce schéma est, en effet, celui grâce auquel Coca Cola, Google, IBM ou Microsoft sont devenus « des marques incontournables », selon le patron de Caron Design Network. Mais peut-on le dupliquer au sein de l’industrie pharmaceutique ? Pas si simple. Et ce d’autant que le secteur du médicament est soumis à des contraintes très strictes en terme de publicité à destination du grand public. Malgré cela, Gérard Caron reste convaincu qu’une nouvelle approche de la marque est à inventer dans le domaine de la santé. De quelle façon ? En s’inspirant des critères qui « marchent » avec les marques « grand public », quitte à prendre quelques risques, voire faire preuve d’un brin d’audace.
Oser sortir des sentiers battus
Faire en sorte que les clients n’achètent plus seulement un médicament, mais aussi une marque : c’est le pari que relèvent chaque jour les 1 208 pharmaciens sous enseigne Giphar. Ce qui a fédéré ces officines ? « Des valeurs communes », répond Sandrine Montoya, représentante de ce groupement de pharmaciens créé en 1968 et sous enseigne depuis 2001. « Des valeurs liées à la compétence des pharmaciens, leur capacité d’écoute et de dialogue, mais aussi liées à l’accueil, au service rendu, au partage, à la prise en charge personnalisée du client », souligne t-elle. Des valeurs positives qui témoignent d’une dynamique, d’un état d’esprit et incitent à la confiance. Résultat : selon une étude OMD publiée en février 2010, Giphar peut se targuer d’une notoriété spontanée de 8% et d’une notoriété assistée de 38%. Une reconnaissance de la part du grand public facilitée, de surcroît, par les cosmétiques, la gamme blanche et les produits d’hygiène bucco-dentaire commercialisés sous la marque Giphar. Mais aussi par un parrain très médiatique, à savoir l’acteur Richard Berry. Sans oublier un spot télé consacré au site Internet de Giphar, ciblé sur la santé publique et non la vente de médicaments, « ce qui a permis de contourner les limites imposées à l’industrie pharmaceutique en terme de publicité en direction du grand public ». Preuve, donc, que l’on peut « booster » sa marque et son image de marque en osant sortir des sentiers battus. A l’image du savon Le Petit Marseillais, qui fait désormais de l’ombre à L’Oréal, alors qu’il n’a aucun point commun ni avec le Vieux port ni avec la Cannebière, « puisque Le Petit Marseillais est fabriqué à Dijon », rappelle Gérard Caron. Morale de l’histoire : aujourd’hui, une marque se doit d’être remarquable pour mieux se démarquer.
Anne Eveillard