Visite médicale : une vocation en pleine mutation
« Promotion, formation, nouveaux métiers ». C’est sur cette thématique qu’ont planché Magali Brot-Weissenbach, présidente du Groupement d’école des métiers de la santé (GEMS), et Thomas Brient, à la tête de Vivactis mailcall, lors du dernier débat de la Fnim, organisé le 20 avril à Paris, dans les locaux de l’Aéro-Club de France. Un échange fructueux quant à l’urgence de redessiner les contours de la visite médicale.
Les métiers de l’industrie pharmaceutique évoluent. Parce que les laboratoires ont fusionné. Parce que les outils de communication et d’information sont de plus en plus performants. Parce que nous ne sommes pas encore sortis de la crise. Et parce que la relation médecin-patient n’est plus la même. Dans un tel contexte, rien d’étonnant si les contours de la visite médicale (VM) sont en train d’imploser. La profession est en pleine mutation. Une mutation qui a démarré fin 2004 avec la mise en place de la charte de qualité de la VM, par le Leem et le Comité économique des produits de santé (CEPS). Dans la foulée, le visiteur médical a appris à travailler non plus seulement avec les médecins de ville, mais aussi avec les pharmaciens, les Agences régionales de santé (ARS) ou encore les hôpitaux. « Ses interlocuteurs se sont diversifiés », confirme Magali Brot-Weissenbach, présidente du Groupement d’école des métiers de la santé (GEMS) et de l’Association des organismes de visite médicale. A cela s’ajoute un savoir scientifique désormais obligatoire, « car les nouveaux médicaments sont de plus en plus pointus », poursuit-elle. Sans oublier la réglementation à connaître sur le bout des doigts et le bon usage du médicament qui fait désormais partie de l’argumentaire du visiteur médical. Un « expert » du médicament que le Leem, impliqué par le biais du Comité professionnel national de la visite médicale (CPNVM) dans le programme des formations, incite à devenir plus « autonome », plus affranchi : « le visiteur médical doit apprendre à gérer lui-même son secteur, son plan d’action et ses interlocuteurs », souligne Magali Brot-Weissenbach.
Une formation initiale enrichie dès la rentrée prochaine
Dans un tel contexte, le programme de formation à la VM va être enrichi dès la rentrée de septembre prochain. Ses quatre modules aborderont les sciences biologiques et médicales, la communication, la réglementation, mais aussi les liens entre santé et société, sans oublier le tout nouveau « projet tutoré » de 90 heures. « Il s’agit d’une recherche à mener sur une pathologie non enseignée durant le cursus. Recherche destinée ensuite à bâtir un dialogue avec des médecins de différents profils », explique la présidente du GEMS. Usine à gaz ou opportunité d’affiner un peu plus encore son aisance et son discours vis-à-vis des blouses blanches ? Pour le savoir, il faudra patienter encore quelques mois, le temps que les premiers élèves testent ce module flambant neuf.
Le visiteur médical de demain va donc devoir s’adapter à un nouvel environnement humain, « mais aussi à de nouveaux médias », nuance Thomas Brient, président de Vivactis mailcall. Car l’ordinateur et le Net font désormais partie de la panoplie des solutions proposées aux professionnels de santé pour remplacer la VM traditionnelle, pour laquelle ils ont de moins en moins de temps à accorder. Ainsi la VM à distance, ou « e-detailing », rendue possible grâce à la combinaison de la téléphonie et du Net, permet-elle de découvrir un nouveau médicament en 18 minutes chrono. « L’approche scientifique est privilégiée durant ce « e-detailing », le médecin peut interagir et cette VM à distance peut même s’effectuer en deux séances de 10 minutes, si le praticien - surtout le généraliste - est débordé », précise Thomas Brient.
Autre outil développé par Vivactis mailcall : le « self-directed ». Il s’agit de la présentation d’un cas clinique, suivie d’une VM. Le médecin « s’auto-forme » seul face à son écran et il peut vérifier ses connaissances grâce à des séries de quiz. Reste que le « e-detailing » comme le « self-directed » ont encore du mal à convaincre toutes les blouses blanches. Thomas Brient parle d’une « concrétisation maximale » de 22% chez les généralistes, 35% chez les spécialistes. En revanche, les résultats atteignent 40% chez les hospitaliers, 50% chez les pharmaciens et 55% chez les pharmaciens hospitaliers. Preuve que cette formule a de l’avenir. A condition que le visiteur médical s’adapte aux nouvelles technologies et que le médecin se motive pour se former et s’informer via le Net.
Les limites du « e-symposium » et de l’APM
Quant au « e-symposium », mini symposium virtuel associant téléphonie et Internet, s’il convainc volontiers les professionnels de santé à la fois par son format d’une heure environ et son côté pratique –on se connecte de n’importe où- et interactif –on peut poser des questions-, en revanche le bât blesse quant aux contours réglementaires. A titre d’exemple, si le « e-sympo » est reconnu dès lors qu’il est organisé « en direct », des barrières s’érigent avec le « différé ». Et pourtant « 95% des médecins qui ont déjà participé à un e-symposium sont prêts à renouveler l’expérience », confie Thomas Brient. Cette formule serait-elle comme un complément « prometteur » de la VM traditionnelle ? Une VM traditionnelle actuellement mise à mal par la carte d’attaché à la promotion du médicament (APM). « Cette carte permet aux personnes qui ont un contrat d’APM d’être à la fois visiteur médical et de pouvoir vendre ou prendre des commandes en pharmacie ou à l’hôpital », détaille Magali Brot-Weissenbach. Chez GSK, on adore et on adhère : le laboratoire a changé tous ses contrats de VM en APM. Mais les syndicats font de la résistance. Et pour cause : avec l’arrivée de l’APM, l’ensemble des avantages acquis par la VM depuis plus de vingt ans risquent de voler en éclats.
La voie de la reconversion
La VM « à l’ancienne » est plus que chahutée ces temps-ci. Si 1 800 visiteurs médicaux étaient formés chaque année, de façon « classique », par le GEMS voilà encore six ans, « nous n’en avons formé qu’une centaine l’an dernier », reconnaît Magali Brot-Weissenbach. Parce que les profils, les demandes et les besoins sont autres. La preuve : la valorisation des acquis de l’expérience (VAE) a le vent en poupe. Au GEMS, 150 personnes ont été formées à la VM par ce biais en 2010. Car la tendance est à la reconversion et à la formation pour doper une carrière. « Un visiteur médical n’hésite plus à utiliser son DIF pour devenir directeur régional », constate la patronne du GEMS. La crise est bel et bien passée par là. Aujourd’hui, changer de métier fait partie des éventualités à envisager au cours d’un cycle professionnel.
Anne Eveillard