Qu’est-ce que la robotique collaborative ? Ou un chatbot santé ? Eclaircissements en compagnie de deux experts : Guillaume Morel, professeur de robotique à l’université Pierre et Marie Curie (Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique), directeur de Carnot Interface, cofondateur de la start up GEMA (robotique d’assistance aux personnes âgées) ; Emmanuel Ruiz, gérant de deux start ups et président de la SSII Pixeleris, société au service des agences de communication qui a pour vocation de leur proposer de l’innovation et de la prospective (applis pour mobile, contrôle d’ordinateur par la pensée).
La robotique collaborative pour l’assistance aux gestes et applications thérapeutiques (exposé de Guillaume Morel)
« La robotique collaborative s’applique à deux domaines : l’assistance au geste expert du praticien et l’assistance au geste déficient du patient.
1) L’assistance en chirurgie
Historiquement, le premier concept utilisé est le robot de chirurgie autonome issu de la robotique industrielle. C’est un système de navigation, essentiellement dédié à l’orthopédie, qui fait de l’imagerie en vue d’une planification pré-opératoire (choix de la prothèse) informatique. Ce programme informatique préparé par le chirurgien est exécuté par un robot (usinage de l’os, par exemple). Le travail effectué par le robot est extrêmement précis, moyennant un recalage fin pour que le robot localise exactement son espace de travail. Deuxième concept : la téléopération. Dans ce cas, à la différence du robot autonome, le geste robotisé est sous le contrôle permanent du praticien qui se trouve dans le bloc (il y a eu des opérations à distance, mais le coût est prohibitif) : le robot n’est qu’un instrument. Plus de 3 millions de patients ont été opérés par ce type de machine (en l’occurrence le modèle Da Vinci) piloté par le chirurgien. Les opérations pratiquées ici concernent les tissus mous (par coelioscopie). Avantages et inconvénients des deux concepts :
- Robot autonome : très grande précision, excellente répétabilité, pas de fatigue pour le chirurgien (notamment le soir), mais possibilité d’erreurs de recalage, installation fastidieuse et rôle dénaturé du praticien qui se retrouve privé de son geste opératoire.
- Robot téléopéré : précision et contrôle du geste, dextérité intracorporelle supérieure aux capacités humaines, position ergonomique, mais encombrement du système, coût (2 millions €+frais de maintenance) et perturbation stressante de l’équipe chirurgicale – d’où le troisième concept de robotique collaborative apparu il y a une dizaine d’années.
En robotique collaborative, l’utilisateur et le robot travaillent ensemble de manière co-localisée. Prenons deux exemples similaires à ceux déjà évoqués. En chirurgie orthopédique (opération du genou), il y a toujours une phase de planning et une phase de recalage, mais le robot est tenu par le chirurgien qui va faire son geste habituel. Ici la tâche du robot est de guider, faciliter et sécuriser le geste chirurgical, ce qui permet une opération moins invasive (incision plus petite). Le rôle du chirurgien est ainsi remis en valeur. En chirurgie coelioscopique, le principe est le même : instrument robotisé et motorisé tenu à la main. Ce concept de robotique collaborative est aujourd’hui étendu au cockpit chirurgical qui est une interface praticien/patient (écrans, endoscopes, réalité augmentée en 3D) capable de comprendre les gestes humains (co-manipulation robot/chirurgien). La robotique collaborative est une révolution qui fusionne le concept d’outil et le concept de robot.
En conclusion, beaucoup de questions sont encore ouvertes à propos des trois concepts décrits précédemment : partage des commandes, intuitivité des interfaces (éviter, pour le praticien, le danger de saturation), preuve du service médical rendu – entre autres interrogations.
2) L’assistance au geste déficient du patient
Après un AVC, certains patients ont des difficultés à contrôler des mouvements de membres supérieurs par manque de synchronisation articulaire. La seule thérapie consiste à réaliser des exercices longs et pénibles pour réapprendre. Il y a deux facteurs pour que cette thérapie réussisse : l’implication du patient et l’intensité des exercices physiques. C’est sur ce dernier point qu’intervient le robot qui apprend, grâce à l’intelligence artificielle, les bons gestes enseignés par le kinésithérapeute et les reproduit sur les membres du patient. Autre exemple : l’aide à la déambulation. L’idée centrale est que le robot doit comprendre les intentions motrices du patient en observant ses pieds. Enfin, il existe aussi des travaux de robotique qui s’appliquent aux prothèses (patients amputés, équipés d’un exosquelette).
Le chatbot dans la E-santé (exposé de Emmanuel Ruiz)
« Qu’est-ce qu’un chatbot ? C’est un programme informatique, mis au point il y a 10 ans, qui simule une conversation avec une personne réelle. Le chatbot utilise au départ des bibliothèques de questions/réponses, mais les progrès de l’IA font qu’il comprend et analyse les messages qu’il reçoit, et qu’il apprend de ses erreurs (machine learning). En 2017, on note une convergence de facteurs favorables au chatbot grâce au développement du machine learning, du deep-learning, du e-learning et de la reconnaissance vocale. Que peuvent faire les chatbots ? Ils peuvent informer en temps réel (tels que Siri, les enceintes intelligentes Echo d’Amazon), faciliter le service client et la fidélisation, procurer du divertissement. En fait, le chatbot est un nouveau moteur de recherche d’une utilisation plus naturelle, plus interactive. A quel point les chatbots sont-ils intelligents ? Réponse simple : au point où en est actuellement l’IA à laquelle les GAFA, et avec eux toute la Silicon Valley, consacrent des sommes colossales. L’IA (reproduction de réseaux neuronaux) permet désormais d’analyser des millions de documents de manière extrêmement rapide. Face à cela, on observe, cette fois en France, des agences spécialisées dans le marketing digital qui n’utilisent pas de chatbots, mais des sortes de QCM améliorés. Or, notamment dans la E-santé, l’avenir appartient aux chatbots dotés d’IA qui sont eux-mêmes nourris par les data scientists, les experts en données médicales. Où peut-on trouver des chatbots ? Que ce soit What’s App, Telegram ou Facebook Messenger, ce sont autant de chatbots de contrôle de l’information – d’où les investissements des GAFA évoqués plus haut. Combien ça coûte ? De 5000 à 50 000€ selon le niveau d’automatisation de l’IA pour un chatbot générique. Les chatbots dans la E-santé sont des conversations avec, derrière elles, de l’IA, et lorsque les questions du client/patient deviennent pointues, le robot passe le relai à un consultant réel. L’IA permet en fait de proposer une information pertinente (prévention et diagnostic) et d’assurer un lien fiable entre les patients et les PS de manière pédagogique et dans un univers familier. En outre, le chatbot se personnalise en fonction de l’interlocuteur grâce à l’IA. Quelques exemple de chatbots E-santé dans le monde : Joy aux Etats-Unis ou Melody en Chine, pays qui investit lui aussi massivement dans les chatbots santé pour des raisons évidentes de rapport démographie/nombre de PS.
Pour conclure, les chatbots dans la E-santé vont très probablement remplacer les applis mobiles : le chatbot présente un niveau d’engagement supérieur, un service contextualisé et personnalisé, une interaction accrue et une meilleure gestion des flux ambulatoires. Alors, le chatbot Santé, nouveau buzzword 2017 ? ».
Denis Briquet pour la FNIM